BIOGRAPHIE
La force rebelle
de l’imaginaire
Évoquant un souvenir d’enfance, Jean Pierre Blanche se défini comme un « rebelle mine de rien », une attirance poétique pour « ce qui ne se fait pas ». Rebelle aussi à l’art moderne, ce qui ne signifie pas, bien au contraire, refuser la peinture contemporaine « de qualité ».
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Une pudeur profonde qui rend difficile, même pour ses proches, la reconstitution d’un fil historique, fait d’évènements et de rencontres qui conduiront le jeune garçon de 13 ans en 1940 à embrasser la vie d’artiste peintre.
« Les prolongements de ma vie commencent avec le prolongement de mes gouts » Des goûts alimentés par l’observation de la nature, la fréquentation inlassable des musées et des expositions, une connaissance approfondie de l’histoire de la peinture, le compagnonnage fécond avec la littérature et la musique.
1927
1940
Jean Pierre Blanche est né en1927 à Paris. En 1940, pour échapper à l’occupation, sa mère, Anne Marie Blanche, choisit d’installer sa famille à Montpellier où elle y a des amis proches. Un an après il fait son premier tableau à l’huile ; « je ne me prenait pas au sérieux, mais j’aimais ça »
Il fréquente le lycée Jeanne d’Arc, dont l’emplacement est aujourd’hui l’entrée du Musée Fabre. Très tôt il se trouve « le nez sur les tableaux du musée » et connaît ses premières émotions artistiques.
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Il accomplit une première année aux beaux-arts de Montpellier, se lie d’amitié avec son professeur Camille Descossy et fait la connaissance de Gabriel Arnaud et du groupe Jérôme Bosch « un monde complètement fascinant » d’artistes très libres.
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C’est également à cette période qu’il fait la connaissance de la famille Bioulès. De cette rencontre va naitre plus de 70 ans d’amitié et de complicité artistique avec Vincent Bioulès.
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La situation de sa famille est précaire et il doit concilier son désir de peindre avec la nécessité d’activités alimentaires de peinture en bâtiment et de décoration.
19451954
À partir de 1945, en se faisant embaucher aux halles pour charger des camions qui lui permettaient de traverser gratuitement la France il fait régulièrement les allers-retours entre Montpellier et Paris pour voir ses amis et hanter les expositions.
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En 1947, il s’installe définitivement à Paris, dans un grenier de la rue de Bièvre qui devient son atelier. Il poursuit ses études aux beaux-arts de Paris, où il aura le même professeur que Bernard Buffet.
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Par l’entremise de sa mère il rencontre la famille de René Huyghe, conservateur du musée du Louvre, « Son ange gardien » qui lui permettra de gagner sa vie en faisant de nombreux portraits.
Cette période, difficile sur le plan matériel, est très riche en rencontres, ses amis Walter Spizter, Charles Denner, Gabriel Arnaud, lui font rencontrer Charles Trenet et Boris Vian et bien d’autres artistes de l’effervescente « rive gauche ».
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Il réalise des décors pour le théâtre et d’autres petits boulots qui lui permettent de subsister mais entre en concurrence avec son ambition artistique.
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« J’ai toujours été impressionné par ceux qui réussissent, mais je ne l’ai jamais souhaité, rien ne m’avait donné l’assurance nécessaire ».
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1949 et les années suivantes sont marquées par les voyages et la découverte de lumières nouvelles. Premier voyage en Hollande, où il se rend en 2CV avec des camarades élèves architecte pour découvrir la peinture ancienne, la reconstruction de Rotterdam et le musée Boijmans.
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Puis la découverte de la Bretagne, séduit par la lumière de cette région il y fait des séjours réguliers qui se poursuivent encore aujourd’hui et enfin la Corse et les paysages de Balagne.
Mais d’autres voyages se préparent…
19541962
Entre 1954 à 1960 il obtiendra 3 prix importants, le prix Conté-Carrière en 56, Singer Ploignac,
Poussé par ses amis à présenter ses œuvres, il obtiendra 3 prix importants entre 1955 et 1960 : le prix Singer-Polignac en 59, et en 56, le prix Conté-Carrière et le prix Abd-el-tif. Ce dernier lui ouvre les portes de deux années de résidence d’artiste en Algérie. Mais, au même moment, l’armée l’appelle en Allemagne et, c’est grâce à l’intervention d’André Malraux qu’il sera finalement affecté au 27° génie à Alger.
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Il passe presque 4 ans en Algérie, dont deux ans d’armée au cours desquelles, grâce à la complicité de son capitaine amateur d’art et peintre amateur, il passe son service à dessiner, décore le mess des officiers, expose ses dessins dans la galerie de l’éditeur Edmond Charlot, au centre culturel américain, puis à Bône (Annaba) en compagnie du peintre Sauveur Galiéro.
Le gouvernement général de l’Algérie lui commande une toile, « le port d’Alger » pour le musée national du port d’Alger qui fera l’acquisition de 3 autres œuvres.
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Il reste encore aujourd’hui à l’atelier de nombreuses œuvres qui témoignent de la période algérienne.
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1959, retour à Paris. La même année il obtient le prix Conté-Carrière de la ville de paris et le prix Singer Polignac. L’envie de revoir les paysages du Languedoc pousse ses pas dans l’arrière-pays montpelliérain où il achète un mas à proximité du village de Puéchabon.
La même année, sa compagne et future épouse, la linguiste Claire Benveniste, est nommée à l’institut de France de Beyrouth, pour pouvoir l’accompagner, il obtient un poste pour diriger un atelier de peinture à l’Ecole d’art. Il se marieront au Liban. Tous deux se lient d’amitié avec Georges Shehadé et le poète libanais Salah Stétié, qui fera la critique de son exposition libanaise. Naissance en 1960 de leur premier enfant, Manuel.
19631970
1963, retour à Paris, il expose ses travaux rue des Saints Pères, à la librairie-galerie Connaître où il fait la connaissance d’un familier du lieu, Lawrence Durell qu’il retrouvera plus tard à Sommières. Il tiendra en sa compagnie de longues discussions à propos de la construction des murs de Pierre sèches et de la greffe des oliviers.
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Courant 1964 le couple s’installe à Puéchabon. Il y retrouve ses amis Vincent Bioules, Joseph delteil, Frédéric Jacques Temple, Jean Hugo pour qui il réalisera un décor pour l’opéra de Montpellier. Son épouse est nommée à l’université d’Aix en Provence où ils finiront par s’installer, faisant régulièrement la navette avec Puéchabon.
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Plusieurs expositions à Marseille (galerie Athanor), à Aix (galerie Fontenaille), à Lyon. Naissance en 1968 de leur deuxième fils, Guillaume.
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À compter de 1967 il retrouve fréquemment Vincent Bioulès qui vient d’être nommé enseignant à l’école d’art d’Aix.
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1970, voyage au Sénégal, il expose à Dakar au théâtre Daniel Sorano. Dans les années 70 l’écrivain Pierre Guyotat passe ses étés au mas dans son « combi » maison roulante à la fois lieu de vie et bureau de travail. Jean Pierre Blanche fera de lui plusieurs portraits.
19711996
Divorce en 1971. En 1972 François Bret le recrute à l’école d’art et d’architecture de Luminy où il enseignera jusqu’en 1990.
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1977 Jean Pierre Blanche obtient le grand prix International de Monaco et quitte son appartement au centre-ville d’Aix pour installer son atelier dans une bastide aux environs d’Aix où il résidera jusqu’à la fin.
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Il rencontre le compositeur André Boucourechliev qui donne des cours à l’université de Provence et devient locataire intermittent de la bastide. Leur solide amitié prendra fin avec la mort de celui-ci en 1997.
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La musique est une compagne de route, sur le piano de Boucourechliev, il improvise sur des rythmes de ragtime et de jazz, sa compagne Véronica Grange est musicienne et metteur en scène d’opéras.
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Il fait également la connaissance de la peintre Evelyne Cail avec qui il liera une profonde amitié ponctuée d’échanges critiques et féconds sur leurs travaux respectifs.
En 1993, à la demande de la conservatrice du musée-atelier Paul Cézanne, il expose « parcours d’un jardin », une suite de pastels et de dessins réalisés dans le jardin de l’atelier de Cézanne.
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1996, la galerie Doudou Bayol à Saint Rémy de Provence accueille son travail sur la plaine de la Crau.
19972022
Plusieurs expositions suivront, notamment dans la galerie Alain Paire à Aix en Provence.
Il a longuement parcouru chaque parcelle de la campagne où il vit et le grand cèdre tricentenaire qui domine le Jardin de son domicile devient un personnage familier de son travail. Aux Lamberts, lieu d’art contemporain proche d’Aix, une exposition réunit en 2006 ses paysages et ses études d’arbres. Le cèdre y figure en majorité ainsi qu’une suite de pastels consacrées aux « hautes herbes ».
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Le pastel devient son principal mode d’expression, comme il le confiera à Michel Hilaire conservateur du Musée Fabre de Montpellier, c’est là le moyen « d’unir peindre et dessiner ».
En 2008 dans le prolongement des manifestations liés à Cézanne et à Picasso il investiguera librement la face nord de la montagne Sainte Victoire et les territoires proches du château de Vauvenargues.
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Son environnement immédiat continue à nourrir son imaginaire, entre 2007 et 2008 il saisit les alentours de la maison dans une suite de dessins à l’encre qui donneront lieu à la publication d’un livre, « les alentours » et à une exposition dans la galerie Alain Paire.
En rentrant chez lui un soir après un spectacle il est frappé par la lumière nocturne qui transforme ces lieux familiers. Les lumières du soir et de la nuit tombante vont éclairer son travail durant une longue période qui sera révélée au public en 2013 à l’invitation de la Ferme Courbet à Flagey pour une exposition intitulée « de la nature ».
2014 et 2015 sa santé le tient éloigné de son atelier, le désir de peindre et de contempler la lumière seront plus fort que la maladie. Cet épisode le conduit à porter un regard rétrospectif et critique sur son œuvre, un parcours dans le jardin d’une vie de peintre qui se concrétise par l’exposition qui lui sera consacrée en2021 au Musée Estrine de Saint Rémy de Provence.
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Jean Pierre Blanche disparait le 30 décembre 2022, laissant à la postérité une œuvre lumineuse et poétique.
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Une exposition rétrospective lui est consacré entre décembre 2023 et avril 2024 au musée Regards de Provence, à Marseille.
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Une autre exposition au cours de l’été à Aniane, sur cette terre du Languedoc qu’il affectionnait.